TECHNIQUE  
Cool and Comfort 89 – mai 2021

Tendances des recherches relatives aux systèmes frigorifiques

Nous considérons depuis des décennies comme évidente la disponibilité du froid et de la technologie connexe. Rétroactivement, nous voyons que dans la courte période allant de l’essor de la technologie de la réfrigération au début du 19e siècle à nos jours, il y a déjà eu plusieurs développements cruciaux. Ces derniers peuvent être classés en deux grands domaines : efficacité énergétique et climat. Maintenant que nous gérons plus consciemment notre environnement, nous sommes confrontés à de nouveaux défis dans ces domaines. Les nouveaux développements en recherche tentent de répondre à cela.

Efficacité énergétique

Originellement, l’efficacité énergétique était d’importance secondaire. L’essentiel était d’abord d’accroître la fiabilité, la robustesse et de rendre l’installation plus compacte. Les premières installations étaient réservées à l’industrie de la transformation de la viande et au secteur agroalimentaire. Ce n’est que plus tard, lorsque les installations devenaient plus sûres, que la production de réfrigérateurs a commencé vers 1930.

Les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour l’année 2009 traitées par l’Institut international du froid (IIR) démontrent qu’environ 17,2 % de la production totale d’électricité est désormais utilisée pour la réfrigération. Ceci est similaire à la part consommée par les ménages, comme l’illustre la Figure 1. Le secteur de la réfrigération est donc déjà de fait un consommateur d’électricité d’envergure. À l’avenir, nous prévoyons en outre une croissance moyenne comprise entre 2,5 et 5,1 % par an (« The Economist Intelligence Unit »), selon le sous-secteur spécifique. La vision du futur nous permet de penser que nous pouvons économiser de l’énergie en améliorant les composants individuels des installations et dans le domaine de l’intégration optimale.

Améliorations des composants individuels

Modulation mécanique

Le compresseur est le cœur de la machine frigorifique à compression de vapeur classique. Une conversion plus efficace de l’énergie mécanique en travail de compression se traduit directement par des systèmes plus écoénergétiques.

Lorsque la puissance frigorifique du système module fortement, les compresseurs fonctionnant à conditions nominales fixes suivent un cycle marche-arrêt. Ce cycle est inefficace et provoque une usure prématurée. Cela contraste avec les compresseurs à vitesse variable entraînés par un moteur électrique à Inverter (variation de fréquence). Cette solution, en revanche, est également la plus coûteuse. Les alternatives sont des formes mécaniques de modulation. Des recherches récentes se concentrent sur de nouvelles formes de compresseurs volumétriques, intrinsèquement adaptés à la modulation mécanique. Un exemple est le compresseur soi-disant « bowtie » développé à l’Université de Purdue. Il se compose d’un rotor en forme de papillon effectuant un mouvement de rotation oscillant dans une chemise cylindrique. La longueur de course peut être ajustée indépendamment du volume mort en déplaçant la chemise cylindrique par rapport aux rotors oscillants. Un concept alternatif basé sur une combinaison de moteur linéaire/à piston a été développé à l’Université de Gand. L’innovation consiste à coupler la synchronisation des orifices d’admission et d’échappement avec un mouvement de rotation supplémentaire entre le piston et la chemise cylindrique. La synchronisation variable permet le contrôle de la puissance. Ce dernier concept a déjà été testé lors d’une preuve de concept et est également breveté.

Compression isotherme

Si l’on considère le processus thermodynamique de la compression, il est notoire qu’une compression isotherme est le travail de compression le moins élevé pour une masse et un rapport de compression donnés. Une opportunité pour réaliser une compression quasi-isotherme consiste à injecter de grandes quantités d’huile dans le compresseur. Pour atteindre une puissance frigorifique maximale, il est important de placer un échangeur de chaleur entre la sortie de l’évaporateur et celle du condenseur pour accroître le sous-refroidissement après le condenseur. Théoriquement, une augmentation de rendement allant jusqu’à 40 % serait possible. L’impact est le plus grand avec les réfrigérants tels que le R404A et plus petit pour le CO2 et l’ammoniac.

Soupape de détente liquide-gaz

La soupape de détente dans un réfrigérateur à compression de vapeur induit la transition de la haute pression dans le condenseur à la basse pression dans l’évaporateur. En théorie, nous pouvons utiliser cette perte de charge pour générer du travail. Pour un réfrigérateur classique à compression de vapeur sous-critique, la détente se produira de la phase liquide vers un point final diphasique. La détente sous ces conditions ne donne lieu qu’à un petit travail spécifique. L’énergie totale récupérable est donc faible. Néanmoins, des systèmes ont été conçus pour récupérer cette énergie dans les grandes installations frigorifiques. Des modèles commerciaux se retrouvent chez Carrier et Douglas Energy ; tous deux utilisent le R134a.

Pour des cycles frigorifique trans-critiques CO2, le potentiel de récupération d’énergie est plus important. D’autre part, le développement de la soupape de détente pose également un défi plus important. Cela est dû aux différences de pression plus importantes et au comportement inconnu lors de la transition de l’état supercritique au diphasique. Différents types de soupapes de détente ont été étudiés, tels que ceux à piston, à vis et à spirale. Les différentes études stipulent une augmentation du COP entre 10 % et 30 %. Dans la pratique, cette technologie n’a pas encore percé. Un retrofit a été suggéré par Bitzer. Dans ce cas, une soupape de détente diphasique est utilisée en combinaison avec un compresseur pour fournir un sous-refroidissement mécanique supplémentaire et donc une puissance frigorifique accrue.

Intégration optimale

Une meilleure efficacité énergétique peut en outre être obtenue grâce à une optimisation poussée au niveau du système.

Trigénération

L’approche la plus globale consiste à optimiser à la fois les flux d’électricité, de chaleur et de froid. La trigénération en est un bon exemple. Ces vecteurs énergétiques sont liés entre eux par un système décentralisé. L’électricité est générée par une petite turbine à gaz ou un moteur à combustion interne. Ceux-ci peuvent utiliser comme principal vecteur d’énergie des combustibles fossiles conventionnels, mais aussi des combustibles synthétiques (« e-carburants ») ou à base de biomasse. La chaleur résiduelle libérée peut être directement utilisée pour le chauffage mais aussi pour le refroidissement via une machine frigorifique à entraînement thermique. Les deux techniques éprouvées pour cela sont les machines frigorifiques à absorption et à adsorption. Les deux systèmes remplacent par nature le compresseur à entraînement mécanique par une variante thermique. Un système de trigénération peut réduire de 30  à 50 % les besoins en énergie primaire par rapport à la production séparée de froid, de chaleur et d’électricité. La question de savoir si ce système est rentable dépend principalement des coûts d’investissement, du prix des carburants et si la demande en chaleur, en froid et en électricité peut suffisamment être couverte par le système. Ceci en tenant compte du fait que la disponibilité de la chaleur doit toujours être supérieure à celle du refroidissement et de l’électricité. Plus spécifiquement, pour les supermarchés (chauffage des locaux, réfrigération des comptoirs et consommation globale d’électricité), des délais d’amortissement d’environ 6 ans sont envisagés, en tenant compte d’un rapport de prix gaz-électricité de 4,0.

Groupes frigorifiques au CO2 et à récupération de chaleur

Ces dernières années, l’avancée des groupes frigorifiques au COest prépondérante. En effet, l’usage des réfrigérants synthétiques conventionnels est mis sous pression en raison de leur impact sur le climat. Certes, dans le secteur des denrées alimentaires, il y a une transition majeure vers ces frigorigènes dits naturels. Les propriétés thermo physiques du CO2 se déclinent en une température et une pression élevées à la sortie du compresseur. À titre d’exemple, on obtient une température de sortie de 55 °C pour la compression isentropique entre -10 °C et 20 °C avec une surchauffe de 10 °C, en comparaison avec une température de sortie de 35 °C pour le R404A. Cette chaleur peut être récupérée, pour chauffer des bâtiments par exemple. La recherche se concentre principalement sur l’optimisation de la régulation. La pression au condenseur et la vitesse de rotation du ventilateur du condenseur sont activement pilotées en fonction de la demande de chauffage requise. La régulation intelligente permet de répondre à la demande de chaleur même pendant la majeure partie de l’hiver, et ce, avec un COP optimal. La plupart des études se concentrent à nouveau sur le secteur des supermarchés. Cela démontre que la demande en chaleur peut presque entièrement être couverte.

Stockage thermique

En ce qui concerne les concepts antérieurs de trigénération et de récupération de chaleur, il arrive souvent que la demande et la disponibilité de chaleur ne correspondent pas au fil du temps. Associer un stockage thermique à la récupération de chaleur d’un groupe frigorifique au COa le potentiel de réduire la demande énergétique d’environ 18 pour cent. Ceci est principalement dû au fait que la chaleur disponible peut être utilisée plus efficacement. En outre, les études démontrent que les coûts supplémentaires pour l’intégration du stockage thermique sont limités (coûts d’investissement 2 % à 3 % plus chers) car la puissance du compresseur installé peut être maintenue plus petite. En tant que tampon thermique, un choix peut être fait, par exemple, pour un ballon d’eau chaude maintenu à une température comprise entre 45 °C et 70 °C.

En plus du stockage de chaleur, nous pouvons également stocker le froid. Une application intéressante actuellement à l’étude est le remplacement du transfert frigorifique actif par un système passif à stockage thermique. Pour ce dernier genre de stockage, l’accent est généralement mis sur les matériaux à changement de phase (« Phase Change Materials », PCM). La transition de phase dans ces matériaux (de l’état liquide à l’état solide par exemple) assure une densité d’énergie élevée. Comme une transition de phase est isotherme, l’avantage supplémentaire est que la température peut être garantie dans un intervalle réduit. Un inconvénient est que la conduction à travers ces matériaux est limitée et donc que le transfert de chaleur est médiocre. Cela peut être résolu en ajoutant une matrice de mousse métallique. La Figure 2 représente un concept d’une telle batterie PCM. Un mélange intermédiaire eau-glycol s’écoule dans le canal A et le canal B est fait d’un matériau à changement de phase éventuellement complété par une matrice en mousse métallique. Pour les applications dans le secteur alimentaire, on peut choisir une paraffine industrielle à la température de fusion désirée (environ entre 6 °C et 108 °C) comme matériau à changement de phase.

Climat

La consommation d’énergie a un impact direct sur le climat. En outre, il y a aussi les effets indirects tels que les pertes par fuite du frigorigène. L’estimation de l’impact total des installations frigorifique sur le réchauffement climatique est un sujet de premier plan dans la littérature scientifique et technique. Divers critères ont été définis pour estimer cet impact. En outre, nous pouvons réduire cet impact anticipé grâce à une meilleure efficacité énergétique d’une part, mais aussi par une transition vers des frigorigènes à faible PRG d’autre part.

Quantification de l’impact sur le réchauffement climatique

Le premier paramètre simple permettant d’estimer directement l’impact sur le réchauffement climatique est le « Potentiel de Réchauffement Global » (PRG). La valeur PRG d’un réfrigérant stipule l’impact en tant que gaz à effet de serre par rapport au CO2. Concrètement, c’est une mesure de la quantité d’énergie que l’émission d’1 tonne de gaz absorbera sur une certaine période, par rapport à l’émission d’1 tonne de dioxyde de carbone (CO2). En règle générale, l’effet est observé sur une période de 100 ans.

L’impact de réchauffement total équivalent (TEWI) est généralement utilisé comme métrique pour quantifier l’impact direct et indirect d’une installation frigorifique sur le réchauffement climatique. La valeur TEWI prend en compte la masse totale de frigorigène dans l’installation, son effet de serre (la valeur PRG), le pourcentage de réfrigérant récupéré lors du démantèlement, la consommation électrique et les émissions associées de CO2. Pour une analyse encore plus détaillée sur toute la durée de vie de l’installation, une analyse de Performance climatique sur le cycle de vie (LCCP) peut être réalisée. Elle prendra également en compte les émissions lors de la fabrication, celles lors de la fabrication des sous-composants et celles au recyclage. Un défi dans cette analyse agrégée est la forte dépendance vis-à-vis des hypothèses et des données sources utilisées. Celles-ci augmentent l’incertitude ou compliquent l’interprétation. L’Institut international du froid (IIR) a cherché à normaliser davantage cette méthodologie en publiant une série de directives.

La vigilance est toujours requise lors de l’utilisation du TEWI et du LCCP. Une analyse plus détaillée ne fournit pas nécessairement plus d’informations si les conditions connexes et les hypothèses ne sont pas décrites ni connues en détail. Une comparaison directe entre deux publications techniques ou scientifiques différentes n’est donc généralement pas possible. Pour l’avenir, il est important de normaliser davantage les deux méthodologies de manière à ce que le potentiel des analyses LCCP et TEWI puisse être réalisé.

Fluides frigorigènes à faible PRG

La nouvelle génération des Hydrofluorocarbure-Oléfines (HFO) et de réfrigérants naturels (tels que l’ammoniac et le CO2) ont des valeurs de PRG très faibles (< 10). Sans entrer dans les détails, nous observons que dans la littérature du marché, les propriétés thermo physiques des HFO R1234yf et R1234ze (E) et des fluides frigorigènes naturels sont les plus étudiées. Ces données sont cruciales pour un design correct des échangeurs de chaleur, le choix du lubrifiant et pour une conception optimale du compresseur et de la soupape de détente.

Lors de la conception, l’on considère classiquement un réfrigérant spécifique offrant un bon compromis entre performance, sécurité et impact environnemental. Il est également possible de considérer un ensemble de paramètres de conception et de créer à cet effet un fluide parfaitement adapté. Ceci est rendu possible par la conception moléculaire assistée par ordinateur. Les recherches dans ce domaine ont culminé à la fin du 20e siècle. Les techniques de conception moléculaire assistée par ordinateur sont donc bien connues. Cependant, dans la pratique, il n’est pas toujours avantageux d’un point de vue économique de produire et de distribuer de petits lots de réfrigérant personnalisé.

Conclusion

Dans cet article, une sélection a été faite de sujets qui sont actuellement fréquemment analysés dans la littérature technique et scientifique. La vue d’ensemble en est donnée au Tableau 1. Il y apparaît que beaucoup de potentiel réside dans des techniques qui ne sont pas encore ou rarement utilisées dans la pratique. Les raisons en sont multiples, mais elles ont toutes en commun le manque de connaissances ou d’informations cruciales. À ce titre, des efforts supplémentaires devront être consentis en matière d’innovation, de recherche et de développement afin de faire face à l’avenir en tant que secteur durable.

Prof. Dr Ir Steven Lecompte

Université de Gand

Département d’électromécanique, des systèmes et des métaux