TECHNIQUE  
Cool and Comfort 86 – septembre 2020

Pompes à chaleur thermo-acoustiques. Une révolution en marche ?

Chez nos voisins du Nord, deux entreprises misent sur des pompes à chaleur thermo-acoustiques innovantes. La première réalise déjà ses premières installations ; la seconde en est encore au stade du développement et espère commercialiser, d’ici quelques années, son propre modèle. Selon certains, le concept thermo-acoustique déclenchera une révolution. Connaîtra-t-il effectivement un tel destin, l’avenir nous le dira.

Par Koen Vandepopuliere

Les entreprises Blue Heart Energy et SoundEnergy proposent deux versions différentes de pompes à chaleur thermo-acoustiques. Blue Heart Energy collabore pour ce faire avec l’institut néerlandais de connaissances TNO. Jan-Aiso Lycklama à Nijeholt, ingénieur, y est chef de projet en technologies des processus durables. Il nous donne quelques mots d’explication concernant leur système. « Il comporte un récipient sous pression contenant le fluide de fonctionnement : l’hélium. Dans ce récipient, nous générons une onde », commence-t-il. Habituellement, le bruit dans notre vie quotidienne reste à des niveaux de puissance très bas. Mais parce que nous travaillons avec des systèmes sous une pression typique de 50 bars et une fluctuation acoustique de 2,5 bars, nous atteignons une puissance volumique élevée. L’un des avantages de la méthode est que nous pouvons réduire la taille du système. Comment cela fonctionne-t-il donc précisément ? Eh bien, chez TNO, nous utilisons un moteur linéaire. Il s’agit de deux pistons qui travaillent linéairement mais en sens inverse l’un de l’autre. Nous avons donc une pompe à chaleur thermo-acoustique à motorisation électrique. Ces pistons agissent en quelque sorte comme un caisson de basses, une sorte de haut-parleur, qui donne au système cette fluctuation de pression de 2,5 bars. »

Deux échangeurs de chaleur

Le cœur du système se compose de deux échangeurs de chaleur : un froid et un chaud, avec un régénérateur entre les deux ; ce dernier est constitué d’un matériau poreux à travers lequel le son passe facilement. Lycklama à Nijeholt : « De manière générale, une onde acoustique engendre une fluctuation de pression, mais aussi une amplitude de déplacement, c’est-à-dire un mouvement. Il s’agit d’un mouvement oscillatoire combiné à une oscillation de pression. Nous les utilisons tous deux dans ce noyau thermo-acoustique. Cela se fait en quatre étapes : une première étape d’expansion, durant laquelle la pression baisse, suivie d’un déplacement, d’une compression et enfin d’un déplacement en sens inverse. Au cours de ces étapes, la chaleur se déplace de l’échangeur de chaleur froid vers l’échangeur chaud. »

Il décrit alors ces étapes plus en détail : « La phase d’expansion de l’onde acoustique débute dans l’échangeur froid. Du fait de l’expansion de l’hélium, ce dernier se refroidit. Il puise donc de la chaleur dans l’échangeur froid. Cette chaleur vient de l’extérieur. L’hélium capte cette chaleur et la transporte à travers le régénérateur, vers l’échangeur chaud. Dans le régénérateur, l’hélium continue à se réchauffer. Cette chaleur provenant de l’échangeur froid et du régénérateur est arrivée entre-temps dans l’échangeur chaud. C’est alors qu’a lieu la compression. Cela veut dire que la température de l’hélium augmente encore. À ce stade, de la chaleur à plus haute température, par exemple à 50 ou 80 °C, est encore cédée à cet échangeur chaud. Celui-ci conduit cette chaleur vers l’extérieur, par exemple vers le circuit de chauffage central. Au cours de la dernière étape, ce volume d’hélium revient ensuite en position initiale, depuis l’échangeur chaud vers l’échangeur froid. Le volume d’hélium est alors refroidi, parce qu’il existe un gradient de température dans ce régénérateur. Avec ces quatre étapes au cœur du système, le cycle est ainsi bouclé. »

Avantages

Lycklama à Nijeholt voit beaucoup d’avantages dans ce nouveau système : « L’un des plus importants est que le fluide de fonctionnement, l’hélium dans notre cas, est un fluide frigorigène respectant l’environnement. Il n’est pas inflammable et est un gaz inerte, sans plus. La réglementation concernant le fluide de fonctionnement devient de jour en jour plus sévère. Cela signifie que l’avantage de notre technologie s’accroît encore par rapport à celle de l’actuelle pompe à chaleur à compression. Un autre avantage est qu’une pompe à chaleur thermo-acoustique est capable d’une plage de température très étendue. Vous pouvez utiliser l’appareil pour une congélation, jusqu’à -20°C, mais vous pouvez également vous en servir pour chauffer de zéro à 140°C, par exemple de l’air extérieur vers le système de chauffage central. Ou encore de l’air extérieur à 10°C vers une eau chaude sanitaire à 80°C. Tout cela peut se faire avec le même appareil. Il n’y a pas lieu de changer de fluide frigorigène. C’est également un gros avantage par rapport aux pompes à chaleur à compression existantes, pour lesquelles vous devez choisir votre fluide frigorigène en fonction de la température désirée. Un troisième avantage est que le compresseur (les pistons en question) sont équilibrés de façon telle qu’il ne font que très peu de bruit. Notre pompe à chaleur est de ce fait très silencieuse. Enfin, elle est très modulable, ce qui signifie que vous pouvez très bien fonctionner à charge partielle. Ceci se fait très facilement en réduisant tout simplement le courant et la tension. »

Une technologie d’avant-garde

Le concept n’est pas totalement nouveau : « Cette technologie, avec ses doubles pistons mobiles, est utilisée depuis des années dans les applications cryogéniques, avec les refroidisseurs à tube à gaz pulsé. Ils sont connus pour être robustes, donc je m’attends à un très bon comportement à cet égard pour notre solution. Il s’agit d’un appareil durable qui ne nécessite que peu d’entretien. »

Et qu’en est-il du rendement ? « Nous visons les 50% du rendement Carnot. Les pompes à chaleur à compression commercialisées aujourd’hui atteignent à peu près cette valeur. Mais ce que les gens feraient mieux de prendre en compte, c’est le coût total de possession : combien d’argent auront-ils dépensé pendant la durée de vie complète de leur produit ? Cela veut dire que votre produit doit être bon marché et avoir un bon coefficient de performance (COP), mais aussi qu’il faut tenir compte d’une réglementation sans cesse plus sévère concernant, par exemple, le fluide de fonctionnement. »

TNO développe cet appareil conjointement avec l’entreprise Blue Heart Energy, avec pour objectif de le commercialiser dans quelques années.

Blue Heart & SoundEnergy

Il y a aussi l’autre entreprise : SoundEnergy. Elle propose un concept qui, dans son principe, est essentiellement semblable à celui de TNO-Blue Heart. Le noyau thermo-acoustique, et donc l’effet de pompage à travers le cœur du système, entre les échangeurs froid et chaud, avec entre deux le régénérateur, est identique. Kees de Blok est l’un des fondateurs de SoundEnergy, et est aujourd’hui son Directeur de recherche : « La grosse différence est que la puissance acoustique n’est pas produite chez nous électriquement mais à l’aide de chaleur. L’ensemble se comporte de ce fait comme un refroidisseur, directement actionné par une chaleur résiduelle ou par celle du soleil. Il n’est donc pas nécessaire ici d’électricité, sauf pour quelques circulateurs transportant le froid. Étant donné que l’on peut ainsi générer une puissance acoustique bien plus élevée qu’avec un entraînement électrique (par haut-parleur), il n’y a pratiquement pas de limite de puissance frigorifique. Notre système possède une capacité de refroidissement de 25 kilowatts pour une température d’actionnement de 200 °C. Nous travaillons actuellement à une version plus grosse avec une puissance de plus de 100 kilowatts. »

Le couplage entre la partie actionneur (moteur thermique à sources chaude et froide) et la pompe à chaleur, est constitué chez SoundEnergy par un résonateur (en anneau), une sorte de tube sonore. La longueur de ce dernier détermine la fréquence de l’onde acoustique générée. Il peut être relativement long. C’est pourquoi notre appareil est plus grand que celui de TNO-Blue Heart Energy. Le THEAC-25 de SoundEnergy, par exemple, comporte deux moteurs thermiques et deux pompes à chaleur, montés en anneau d’un diamètre de près de quatre mètres, pour une hauteur de 0,60 mètre. Il peut également être réalisé sous la forme d’un U tenant dans un conteneur : un tel modèle a été testé en combinaison avec le brûleur de paille d’un séchoir à grains en Pologne. Chez TNO-Blue Heart Energy, en revanche, la résonance du système n’est pas assurée par un long tube, mais par un piston et un ressort mécanique. La masse des pistons et la constante des ressorts font que l’ensemble du système entre en résonance. Cette installation est plus petite : suffisamment petite que pour avoir sa place chez un ménage ordinaire.

Les deux systèmes utilisent comme fluide de fonctionnement un gaz inerte avec un PRG de zéro. Chez TNO-Blue Heart Energy c’est de l’hélium, chez SoundEnergy de l’argon ou un autre mélange de gaz inertes. Et ils sont tous deux remarquablement silencieux, ce qui est bien sûr une surprise pour des systèmes fonctionnant à base d’ondes sonores.

Il y a encore des différences frappantes entre les deux versions. Par exemple, SoundEnergy utilise de la chaleur résiduelle à température relativement élevée pour produire de l’énergie acoustique. Elle doit être supérieure à 160 °C si la chaleur s’il s’agit d’un liquide, ou supérieure à 250 °C s’il s’agit d’un gaz (d’échappement). Avec cela, un deuxième cœur thermo-acoustique produit du froid. C’est donc un système thermique. TNO Blue Heart Energy, par contre, a choisi d’actionner le système électriquement.

En raison de l’utilisation de chaleur, la solution SoundEnergy consomme très peu d’électricité. Son THEAC 25, par exemple, comporte trois pompes et un système de refroidissement qui consomment ensemble environ deux kilowatts d’électricité La solution TNO-Blue Heart Energy consomme environ un quart de la chaleur fournie, en l’électricité. Pour un ménage, cela représente un à deux kilowatts de puissance électrique.

Commercialisation

SoundEnergy se concentre sur le marché des entreprises qui ont de la chaleur résiduelle disponible à haute température et qui souhaitent une climatisation ailleurs, par exemple dans un hall de production ou des bureaux. Autre groupe cible, le transport maritime, avec des applications frigorifiques jusqu’à -25°C. TNO-Blue Heart Energy, par contre, vise surtout la grande consommation. Son système sert surtout à réchauffer les maisons, bien qu’il puisse aussi climatiser.

En ce qui concerne la commercialisation, SoundEnergy est légèrement plus avancée que TNO-Blue Heart Energy. De Blok : « Nous avons déjà fourni un certain nombre de systèmes. Au cours du printemps, nous allons encore en installer un chez un torréfacteur. Il utilisera la chaleur du processus de torréfaction du café pour climatiser le nouveau bâtiment. »

TNO-Blue Heart Energy n’en est pas encore à ce stade. L’entreprise réalise actuellement les premiers groupes qu’elle compte mettre à l’essai dans un an, dans un labo en vraie grandeur : un environnement simulé. Mais dans les deux cas, il s’agit de groupes de chercheurs assidus qui, très probablement, changeront fondamentalement le marché CVC-R à long terme. L’avenir nous le dira.

« Nous visons les 50% du rendement Carnot. Mais ce dont les gens devraient plutôt tenir compte, c’est le coût total de possession. »

Jan-Aiso Lycklama à Nijeholt

« L’ensemble se comporte de ce fait comme un refroidisseur, directement actionné par une chaleur résiduelle ou par celle du soleil. »

Kees de Blok