TECHNIQUE
Cool and Comfort 87 – novembre 2020
Bruit des pompes à chaleur
Recherche sur des appareils plus silencieux
Les pompes à chaleur jouent un rôle central dans la transition énergétique pour le chauffage des habitations. Actuellement, il en existe environ 30 millions d’exemplaires en Europe. L’objectif est qu’il y en ait quatre fois plus en 2030. Vu la situation actuelle du marché, ce sont les pompes air-eau qui sont en majorité. Si elles se mettent à fonctionner toutes en même temps, cela peut devenir assourdissant. Le secteur est conscient de ce problème et travaille à 100 % sur des mesures pour limiter les nuisances sonores. Lors d’un récent webinar, l’EHPA, l’Association européenne du secteur des pompes à chaleur, a fait le point sur la situation.
Un problème complexe
Lors de ce webinar, trois experts se sont exprimés : Johannes Brugmann de Stiebel Eltron a parlé au nom des fabricants d’appareils ; Christopher Reichl a présenté les activités de IEA Annex 51, le groupe de travail international qui se consacre à cette question, et Michael Kraus de Ziehl Abegg a approfondi le rôle du ventilateur. L’accent a été chaque fois placé sur les appareils air-eau.
Selon une première constatation, ‘le’ bruit d’une pompe à chaleur n’existe pas. Sur le label énergétique, on trouve toutefois une valeur en décibels, mais cela n’est guère révélateur. Le bruit émis par une pompe à chaleur n’est en effet pas constant, que ce soit en intensité ou en qualité. La formation de glace sur les lames de l’échangeur de chaleur peut, par exemple, avoir un effet sur la hauteur du ton qui est produite. Plus il y a de glace sur les lames, plus le compresseur devra agir, ce qui a également un effet sur la production de bruit.
En outre, on utilise de plus en plus la commande à inverseur. Cela signifie toutefois aussi que la vitesse de rotation du compresseur – et donc son bruit – va varier en fonction du régime. En outre, il existe des aspects techniques liés à l’installation : en premier lieu, l’isolation acoustique et le débrayage, mais aussi la turbulence ou non du flux d’air aspiré ou le fait que le ventilateur soit doté d’auxiliaires pour l’admission d’air, ... L’usure peut aussi être synonyme de bruit. Si un ventilateur finit par être déséquilibré, il peut produire des bruits dérangeants qui sont encore renforcés par le caisson entourant l’appareil.
Facteurs ambiants
Jusqu’ici, nous avons uniquement parlé de la production de bruit. Ce qui compte toutefois est la pression sonore ; en résumé, la manière dont le bruit est perçu à un endroit déterminé. Le bruit d’une unité extérieure n’est pas distribué de manière égale : il y a une différence si l’on se trouve du côté sortie ou du côté aspiration. Dans ce cas, toute une série de facteurs ambiants jouent également un rôle, comme l’atténuation ou la réflexion.
En outre, la fréquence – autrement dit, la tonalité – du bruit joue encore un rôle. Des sifflements élevés sont généralement perçus de manière plus perturbante que des tons bourdonnements faibles. Ceci rend la situation extrêmement complexe : selon la vitesse de rotation, un appareil peut produire d’autres tonalités. De même, le mode de diffusion peut différer en fonction de la fréquence si bien que l’on entend mieux certaines tonalités dans un sens que dans l’autre.
Bref, le bruit d’un appareil ne peut pas être simplement résumé par un chiffre : il varie en fonction des conditions et du régime de l’appareil. Si l’on veut éviter des nuisances sonores, une approche totale est alors nécessaire.
Interrogez l’installateur
La valeur en décibels sur l’étiquette énergétique est basée sur des tests en laboratoire dans des conditions bien déterminées pour un régime spécifique. Elle donne donc une certaine indication, mais est insuffisante pour déterminer ce que l’on entendra en pratique dans une situation définie. Le rôle de l’installateur est crucial ici. L’utilisateur fera bien de vérifier avec le spécialiste comment les nuisances sonores peuvent être limitées. Le choix de l’emplacement pour l’unité extérieure est déterminant. Il y a une grande différence si l’appareil se trouve sous la fenêtre d’une chambre à coucher ou s’il donne sur la rue. Dans des situations particulièrement sensibles, il faudra peut-être opter pour un évaporateur dans le cas d’un montage intérieur.
Simulation via une app
L’Agence internationale de l’énergie, l’AIE, s’occupe de cette problématique et a créé un groupe de travail spécial concernant la production de bruit des pompes à chaleur (Annexe 51). L’un des participants, l’organisme autrichien des connaissances (AIT), travaille sur une app de simulation pour le montage d’unités extérieures, à savoir le HVAC Positioner. Grâce à cela, il est possible de positionner virtuellement une unité extérieure, l’app indiquant via l’enhanced reality (réalité améliorée) ce qu’est la pression sonore de l’appareil à chaque endroit. On pourrait donc faire en sorte que l’on se déplace avec le smartphone ou la tablette dans l’environnement et que l’app fasse entendre, par le biais des haut-parleurs, le bruit attendu à cet endroit. En utilisant une bibliothèque virtuelle d’appareils, le client potentiel peut donc voir ce qu’est l’effet visuel d’un montage déterminé.
Actuellement, cette app n’est disponible que dans une version d’essai. Il manque encore des données de mesure détaillées des caractéristiques sonores des appareils et il faut donc encore se contenter du chiffre unidimensionnel sur l’étiquette énergétique comme valeur de base. Les chercheurs ont néanmoins une entière confiance dans le fait qu’une app de ce type est une carte valable. Cela pourrait alors être un instrument particulièrement utile tant pour les utilisateurs que les architectes et les installateurs de manière à éviter des surprises désagréables par la suite.
Quelles nuisances ?
Les nuisances sonores ne peuvent jamais être déterminées objectivement à 100 %. Les attentes et les habitudes jouent aussi un rôle ici. Dans certaines régions, le bruit des pompes à chaleur n’est pas un souci direct alors qu’ailleurs on fait tout pour les rendre aussi silencieuses que possible. En Suisse, cette préoccupation va si loin que l’on opte souvent pour un appareil air-eau destiné à un montage intérieur.
Il est toutefois frappant de constater qu’il s’agit en majeure partie d’une préoccupation typiquement européenne. Ceci ressort très bien de la composition de l’AIE Annexe 51. Alors que ce groupe de travail, dans le cadre de l’AIE, est ouvert aux participants du monde entier, il est exclusivement à consonance européenne. La raison en est très simple : pour participer à une annexe, il faut qu’il y ait un programme de recherche national sur le sujet en question. Visiblement, seule la production de bruit est suffisamment importante en Europe pour lancer une recherche scientifique à ce propos.
La mesure dans laquelle cette sensibilité est dépassée ou non est une autre question. Les nuisances sonores méritent bien que l’on s’y intéresse, mais la question doit avoir une place exacte dans le contexte général. Les décideurs aiment se profiler par des mesures sévères, de préférence plus sévères que dans les pays voisins ou dans des régions voisines. En postulant des exigences sonores irréalistes, on ralentira toutefois l’évolution en direction des pompes à chaleur, ce qui fera qu’une mesure aux bonnes intentions deviendra un obstacle à la transition énergétique.
Par Alex Baumans
heatpumpingtechnologies.org/annex51/