TECHNIQUE  
Cool and Comfort 89 – mai 2021

La détection de fuite pour les installations frigorifiques, un enjeu majeur du 21è siècle

1) Réglementation

Le règlement (UE) N°517/2014 dit «F-Gaz II» a été adopté le 16 avril 2014 avec pour objectif de protéger l’environnement en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 80% à 95% d’ici 2050 par rapport au niveau de 1990.

Il définit des règles relatives au confinement, à l’utilisation, à la récupération et à la destruction des gaz à effet de serre fluorés et aux mesures d’accompagnement relatives ; impose des conditions à la mise sur le marché de certains produits et équipements contenant des gaz à effet de serre fluorés ou qui en sont tributaires ; impose des conditions à certaines utilisations spécifiques des gaz à effet de serre fluorés ; et fixe des limites quantitatives pour la mise sur le marché des hydrofluorocarbones.

Il fixe également des obligations de formation, des interdictions d’usage ou de mise sur le marché en fonction des PRP (potentiel réchauffement planétaire) et par applications, des réductions des quantités produites (quotas) et des obligations : qualification, matériel obligatoire et prévention des émissions avec l’obligation de réaliser des contrôles d’étanchéités sur les installations contenant des GES fluorés.

Point spécifique de la F-Gaz concernant les contrôles d’étanchéité :

Le chapitre II article 4 du règlement (UE) N°517-2014 précise la fréquence des contrôles en fonction de la charge en tonne équivalent CO2 des installations.

Charge ≥ 5t éq.CO2 : au minimum une fois tous les 12 mois ou uniquement tous les 24 mois si équipé d’un système de détection de fuite.

Charge ≥ 50t éq.CO: au minimum une fois tous les 6 mois ou uniquement tous les 12 mois si équipé d’un système de détection de fuite.

Charge ≥ 500t éq.CO2 : au minimum une fois tous les 3 mois ou uniquement tous les 6 mois si équipé d’un système de détection de fuite.

Les exploitants ont obligation d’installer un système de détection de fuite qui alerte l‘exploitant ou la société de maintenance en cas de fuite pour les installations dont la charge en fluide frigorigène est supérieure ou égale à 500t éq.CO2 (ex : 128 kg de R-404A)

- pour les systèmes fixes (réfrigération, climatisation, PAC, extinction)

- pour les machines cycle de Rankine, et les systèmes de commutation électrique installés après le 01/01/2017

Pour les états européens, des réglementations nationales plus contraignantes peuvent s’ajouter au règlement F-Gaz.

En Belgique (réglementation flamande : Vlarem II Art. 5.16.3.3), des dispositions spécifiques relatives aux taux de fuites relatifs aux installations de réfrigération non hermétiquement scellés ont été mises en place, pour les systèmes contenant : 5 tonnes équivalent CO2 de GES fluorés ou 3 kg de substances appauvrissant la couche d’ozone.

Taux de fuite relatif :

L = (B/N) x 100

L : perte de fuite relative (ou taux de fuite relatif

B : somme de toutes les recharges au cours d’une année civile (kg)

N : teneur nominale en fluide frigorigène de l’installation frigorifique (kg)

S’il y a une fuite de > 5% : l’installation doit être réparée.

Si l’installation présente une fuite de > 10 % pendant 2 années civiles consécutives, l’installation doit être arrêtée dans les 12 mois suivant la découverte. Cela rend nécessaire une détection permanente des fuites afin de garantir la continuité du processus de refroidissement.

2) Détection de fuite selon les recommandations de la norme EN 378 :

En plus des réglementations environnementales, la norme européenne EN 378 apporte un complément afin de garantir la sécurité des personnes.

Elle définit que les salles de machines doivent être équipées de détecteurs afin de garantir la sécurité des occupants.

Pour les gaz explosifs ou dangereux, le seuil de détection est fixé à moins de 20% de la limite inférieure d’inflammabilité et les détecteurs d’ammoniac doivent activer une ventilation, une alarme et déconnecter l’alimentation électrique externe.

3) Types de détection : détection directe (détection portable ; contrôleurs d’ambiance) et détection indirecte (surveillance continue via système expert)

Il existe plusieurs types de détection :

Les méthodes directes tout d’abord permettent d’effectuer un contrôle d’étanchéité sur site et sont utilisés lors des contrôles périodiques (détection portable) ou en continu (contrôleurs d’ambiance). Les détecteurs portables permettent de localiser la fuite.

En complément de cette méthode et afin d’assurer une surveillance globale du fonctionnement de l’installation, sont apparues les méthodes indirectes. L’installation de capteurs avec des prises de mesures régulières couplées à des calculs algorithmiques permettent à ce type de système de se placer à l’intérieur de l’installation afin d’en identifier le comportement.

Le contrôle physique de l’installation pour répondre au règlement F-Gaz se fera avec un détecteur portable. Comme le stipule le texte du Règlement européen 517-2014, la fréquence des contrôles peut être réduite1 si les installations sont équipées de contrôleur d’ambiance ou d’un système par méthodes de mesures indirectes.

Ainsi, et afin de réduire la fréquence des contrôles physiques, il est possible d’utiliser des contrôleurs fixes, dits « contrôleur d’ambiance » ou « détecteur à poste fixe », et des systèmes de détection par méthode de mesures indirectes installés sur la machine frigorifique qui permettent d’effectuer une surveillance continue des installations et alertent lorsqu’une fuite se déclare.

Certains pays tels que la France et la Belgique ont adopté la possibilité de contrôler l’étanchéité par méthode indirecte aves des systèmes de détection indirect à surveillance continue (cf. paragraphe 5).

Ainsi, les 3 méthodes de détection de fuites sont complémentaires : elles garantissent la conformité au règlement F-Gaz II en contribuant à la réduction des fuites et donc à la préservation de l’environnement, tout en garantissant la sécurité des personnes.

4) Technologie des capteurs

Il existe 3 technologies de capteurs : les semi-conducteurs (ou capteurs à diode chauffée), les capteurs électro-chimiques, et les infra-rouges. Le choix d’un capteur dépend des gaz ou fluides à détecter.

Capteurs semi-conducteurs : pour les HFO, HFC, CFC, HCFC

Cette technologie présente l’avantage d’être la moins chère. Mais En contrepartie, elle est sensible à la température ambiante, à l’humidité, aux solvants, aux produits de nettoyage, aux HC (propane) et NOx (oxydes d’azote).

Le capteur semi-conducteur, aussi connu sous le nom de sonde métal oxide (MOS), permet la détection des produits toxiques, des combustibles et des fluides frigorigènes. Il est sensible aux changements de concentration de gaz (baisse de concentration en oxygène), à l’humidité, et aux changements de température. Il a une faible sensibilité, nécessite d’être calibré. C’est une technologie économique avec une longue durée de vie (environ 5 ans).

Principe de détection : un film d’oxyde métallique fin est déposé sur une surface silicone. La réaction catalytique oxydante en contact avec le gaz ciblé et la surface de l’oxyde métallique chauffée modifie la résistance électrique et change la conductivité. Ce changement de résistance est corrélé à la concentration de gaz mesurée.

a) Capteurs électro-chimiques : détection du NH3.

Cette technologie de capteurs est utilisée pour la détection du NH3. C’est une technologie ultra-précise, qui assure la sécurité des personnes grâce à une détection à faible concentration de ce produit toxique.

Cette technologie est adaptée pour une large variété de gaz toxiques, et est très précise pour des concentrations à très faibles ppm. Le temps de réponse est rapide en cas de fuite, et c’est une technologie sélective pour ne chercher que le gaz ciblé. De ce fait, il n’y a pas de risque de sensibilité croisée. Cette technologie nécessite d’être calibrée en fonction du gaz cible et les capteurs ont une durée de vie de 3 à 5 ans.

Le capteur se compose d’une électrode de service, d’une contre-électrode, d’une électrode de référence et d’un électrolyte. Les capteurs électrochimiques fonctionnent comme des piles. Lorsque le gaz cible est présent, une réaction chimique sur l’électrode de service génère une petite charge électrique entre deux électrodes qui est proportionnelle à la concentration du gaz.

b) Capteurs infra-rouges : détection des HFO, HFC, CFC, HCFC, NH3, Propane, CO2.

La technologie de capteur par détection infra-rouge est très sélective. Elle permet de détecter une large plage de fluides frigorigènes, tout en étant parfaitement insensible à d’autres produits, et à une longue durée de vie. Elle permet de détecter les HFO, HFC, HCFC, CFC, NH3, propane (R-290) et CO2.

Le capteur infra-rouge est très sélectif avec une très faible sensibilité croisée à d’autres gaz. Cette technologie est non sensible aux polluants (silicones, plomb, ...) et a la capacité de se calibrer automatiquement. Les temps de réponse sont rapides, avec des seuils de détections possibles à de très faible concentration (sensibilité de 1 ppm). C’est une détection ultra précise bien qu’un peu plus chère, avec une durée de vie moyenne de 5 à 7 ans du capteur.

Le capteur se compose d’une source de lumière, d’un filtre antiparasite, d’un détecteur et d’une chambre dans laquelle le gaz recherché se diffuse après avoir été aspiré. Seule la couleur verte du rayon lumineux est filtrée et analysée par la mesure de son intensité. Si un gaz est présent, la couleur verte du rayonnement lumineux voit son intensité réduite de manière mesurable.

5) Dispositifs et descriptifs des moyens de détection

Détecteurs portables :

Les fuites sont signalées par une alarme sonore et visuelle et un écran d’affichage. Ce type de détecteur permet de localiser avec précision la zone de fuite.

Avant chaque utilisation, un contrôle grâce à l’utilisation d’un produit tel que le mini-check, qui simule une fuite calibrée de R-134a de 5g/an, permettra de vérifier la calibration de l’appareil.

Détection par bulles :

Après avoir réalisé sa recherche avec un détecteur portable, l’utilisation d’un produit en aérosol tel que le Prestobul sur les canalisations, à l’endroit présumé de la fuite, permettra de localiser précisément la source en formant des bulles.

Contrôleurs d’ambiance :

Détecteur de fuite à poste fixe, aussi appelé contrôleur d’ambiance, est un détecteur de fuites de fluides frigorigènes. Selon les modèles, cela sera un capteur-émetteur indépendant avec alarmes, qui peut être utilisé soit en détecteur autonome soit raccordé à un système de contrôle (par exemple GTC) via une liaison Modbus. Ils sont généralement dotés d’un ou de plusieurs relais afin d’activer des équipements extérieurs de sécurité type vanne, ventilateur, alarme générale …Ils impliquent l’installation de capteurs aussi appelés « sondes » en respectant les particularités spécifiques des installations et des fluides à détecter. Ils doivent être sélectionnés et adaptés aux fluides à détecter.

Positionnement des capteurs :

A l’abri des projections d’eau et des dangers potentiels, hors zones de courant d’air ou ventilées (zone à forte circulation avec un fort flux d’air, zone d’extraction (ventilateur), et pas à proximité de système d’identification par radio fréquence ou d’émetteur pour ces systèmes.

Méthode de mesures indirectes : les systèmes experts pour la surveillance en temps réel et à distance

Avec des taux de fuites annuels moyens pouvant 25% de le charge, les centrales frigorifiques, installées en grande distribution alimentaire ou industrie, nécessitent un contrôle d’étanchéité permanent.

Les systèmes experts de détection de fuites par méthode de mesures indirectes apportent une réponse à cette problématique. Cette méthode de mesure, encore peu répandue, repose sur l’analyse algorithmique en temps réel de points de fonctionnement de l’installation.

Contrairement à la méthode directe, qui consiste à une analyse multizone de l’air ambiant pour y détecter des molécules de gaz, la détection indirecte permet de centraliser les équipements en locaux techniques, sans contraintes liées à l’installation (longueur des tuyauteries, tuyauteries non-accessibles...) ou à son environnement (flux d’air des condenseurs, centrale extérieure...) tout en assurant une surveillance globale de l’installation. En effet, les contraintes liées à l’implantation et aux différences de fonctionnement des centrales, dont l’irrégularité des demandes froid impactent les niveaux, seront détectées lors de la période d’apprentissage, durant laquelle les niveaux de référence seront établis. L’algorithme temps réel, par comparaison des points de fonctionnements mesurés et de référence, détecte les dérives et déclenche des alarmes associées, transmises à la GTC (gestion technique centralisée) via contact sec et/ou à distance via une interface de supervision en ligne / alertes mails.

Les données métrologiques requises pour le fonctionnement de l’algorithme sont :

• Pression HP, via transmetteur 4-20mA sur le réservoir de liquide

• Températures entrée/sortie liquide du réservoir, PT100 avec fonction d’étalonnage automatique

• Température de l’air ambiant en zone condenseurs, PT100 avec fonction d’étalonnage automatique

• Quantité de fluide dans le réservoir

Afin de permettre la mesure de quantité de fluide dans le réservoir, une colonne de niveau, adaptée par l’installateur aux dimensions du réservoir, doit-être suspendue à une jauge de contrainte (conversion de la déformation d’une pièce dû à une force, ici le poids, en variation de résistance électrique, ici 4-20mA). Par raccordement flexibles en points haut et bas, le principe des vases communiquant assure l’équilibre entre les niveaux.

Une tare de la colonne (tirée au vide) assure la précision de mesure, et permet de connaitre le poids du fluide dans celle-ci. Par le calcul de la densité, déterminée par la température sortie réservoir et la pression, et en considération des éléments de configuration du DNI (dimensions du réservoir, type de fluide) la charge de fluide frigorigène dans le réservoir est calculée.

En compléments des analyses temps réel de détection de fuite, le système expert Matelex présenté ici permet de connaitre le fonctionnement de l’installation et d’en améliorer les réglages. La relation pression/température utilisée pour le calcul de la température de condensation permettra d’informer du taux de gaz dans le liquide (Flash Gaz) en calculant le sous-refroidissement.

Nous distinguons 2 types d’alarmes, permettant une surveillance continue et un retour d’information indispensable à l’exploitation d’un process frigorifique.

• Alarme de niveau bas : semblable aux niveaux fixes « Kubler » présents sur grand nombre de réservoirs, le DNI permet la surveillance configurable du niveau bas dans le réservoir. Sa configuration permet d’ajuster le seuil de déclenchement et d’être alerté rapidement en cas de chute importante et rapide du niveau de fluide.

• Alarme « statistique » : analyse utilisant un algorithme statistique qui compare les données du fonctionnement normal de l’installation avec les données en temps réels. Une dérive entrainera le déclenchement d’une alarme.

Pour garantir l’exactitude des mesures, un contrôle annuel consiste à remplacer la chaine de mesure poids/pression et réaliser l’étalonnage des sondes de température pour prise en compte de l’impédance des câbles et de la dérive des sondes PT100.

Complétant l’équipement et permettant une analyse approfondie, des modules dédiés à la gestion énergétique permettent l’acquisition des données de consommation énergétiques par transformateurs d’intensité. La surchauffe est calculée par mesure des valeurs de pression BP et de température d’aspiration, tandis que la température de refoulement et la puissance consommée permettront de déterminer le COP réel de l’installation.

Afin d’améliorer l’interprétation des données acquises, un système de supervision en ligne complète la solution.

De nombreuses analyses complémentaires y sont proposées avec pour objectif l’amélioration des performances des installations et la réduction de leur impact environnemental global via la réduction des émissions directes et indirectes des émissions de gaz à effet de serre.

En effet, outre l’impact direct sur l’’environnement d’une fuite de fluide frigorigène, la solution permet également la diminution des impacts indirects liés à l’énergie consommée. Les analyses faites par la solution connectée permettent d’agir contre les surconsommations énergétiques dues à une charge de fluide frigorigène trop faible, mais également de proposer des alertes de risques de défaillance compresseur et de dérives énergétiques. Les cycles de marche compresseurs sont par exemple étudiés pour avertir de risques d’usures prématurées entrainant un risque de casse, mais également l’amélioration de leur gestion (réduction des cycles courts, surveillance des fréquences de démarrages…). Enfin, le diagramme enthalpique en temps réel est disponible, permettant une interprétation fiable du cycle du fluide.

6) Comment réussir son programme de détection ?

- Installation correcte de l’équipement par des installateurs formés et qualifiés.

- Entretien des appareils et maintenance annuelle.

- Test du bon fonctionnement des appareils et réglage des seuils d’alarme de manière appropriée (kit de calibration, application smartphone) pour éviter les pertes conséquentes de fluides frigorigènes.

- Test et calibration avec le gaz souhaité.

- Vérification du fonctionnement des capteurs et alarmes.

7) Bénéfices de la détection de fuite :

- Diminution quantités de fluide utilisées = économies financières

- Baisse des émissions gaz à effet de serre = bénéfice environnemental

- Réduction de la consommation énergétique = économies financières et bénéfice environnemental

- Amélioration des performances des installations grâce à son bon confinement et une charge adéquate en fluide frigorigène

- Respect des normes et réglementations (EN 378, F-GAZ II, ASHRAE, etc.) = sécurité

- Prévention des fuites = Protection des personnes et amélioration du confort = sécurité & santé

- Préservation des marchandises et des équipements = Economies et sécurité

Cet article a été réalisé conjointement par Climalife et Matelex, deux acteurs clés de la performance énergétique.

www.climalife.dehon.com

www.matelex.com